Dans ma clientèle, je rencontre souvent des personnes qui ne cessent de penser, qui doutent, se remettent en question, se comparent aux autres et les voient plus performants qu’eux.
Des personnes qui s’intéressent à des sujets divers, touchent à tout, mais le font en dilettante, pour quelques mois ou quelques années, sans en faire une passion de toute une vie.
Avec parfois une tendance à la procrastination pour tout ce qui n’est pas intéressant, et une culpabilité de reporter à plus tard les corvées.
Des personnes, en revanche, qui vont plonger corps et âme dans ce qui les passionne sur le moment.
Elles sont sensibles, voire hypersensibles, et parfois susceptibles .
Elles se compliquent la vie, essaient d’être plus parfaites pour coller à leur idéal, mais déchantent souvent pour finir par traverser des périodes de découragement ou d’ennui.
Des moments de solitude, avec la sensation d’être décalées, incomprises, ou tout simplement pas normales, ou inaptes au bonheur de monsieur tout-le-monde.
Elles se trouvent parfois dispersées et inefficaces, ou au contraire trouvent que les autres ne comprennent pas, pensent ou agissent trop lentement.
Elles peuvent avoir une vision globales des choses, et refuser de se focaliser sur des détails futiles.
Ou au contraire, se focaliser sur un point important pour eux, et qui semble échapper à leur entourage.
Elles peuvent avoir des problèmes d’audition en groupe, avec une difficulté à se concentrer et suivre une conversation parmi plusieurs autres.
Des personnes qui peuvent parfois se sentir seules, très seules, même au milieu des autres.
Et qui ont aussi un profond besoin de solitude pour se ressourcer.
Des esprits qui ne rentrent pas dans la norme, qui se demandent parfois même quel genre de vie ils sont censés vivre sur terre.
Des âmes tristes certains jours d’être le vilain petit canard, même au sein de leur propre famille. Cette même famille pouvant d’ailleurs les trouver bizarres, ou incompréhensibles.
Des façons de penser parfois rebelles (même si la résistance est passive), qui leur vaut d’être vus comme des « électrons libres ».
Est-ce normal ? Et finalement, où est la « norme » ?
La majorité de la population est droitière.
De même, la majorité de la population pense en priorité avec le cerveau gauche, l’hémisphère qui privilégie la pensée logique, déductive et rationnelle, la pensée linéaire ou séquentielle, c’est-à-dire une pensée après l’autre. Celle qui est encouragée à l’école. Celle qui nourrit la « voix de la raison », qui invite à être raisonnable, donc facilement raisonné.
Et puis, il y a une minorité d’atypiques qui pense beaucoup plus avec l’hémisphère droit du cerveau. Celui qui est largement relié à l’inconscient, celui qui pense en mode analogique plutôt qu’en mode logique (comme l’analogique fonctionne différemment du numérique qui lui, est binaire).
Ce mode de pensée est un mode de pensée en arborescence, où une pensée va se ramifier et en générer plusieurs autres, d’où un foisonnement de la pensée parfois très créatif, mais aussi souvent très encombrant, envahissant. Voire fatiguant.
Sauf en hypnose, ou ce type de pensée est encouragé en mode détente (en état modifié de conscience), pour générer de nombreux changements créatifs.
Ce type de personnes étaient auparavant qualifiées de « haut potentiel » (HPI ou HPE) ou de « surdoués », mais ce terme semble parfois impropre, car au cours de la scolarités, ces élèves pourront soit être très bons, soit très moyens, soit carrément en échec scolaire. Certains peuvent aussi être dyslexiques, dyscalculiques, etc., peut-être parce que leur compréhension hors-norme ne correspond pas à la pédagogie classique.
Le cerveau droit faisant largement appel aux images et à l’affect, une matière terne ou un professeur peu sympathique peuvent amener l’élève à « décrocher », se fermer, se braquer, ne plus comprendre.
Les « droitiers du cerveau » ont en effet plus besoin de comprendre que d’apprendre bêtement, et les facteurs intérêt / plaisir / curiosité / variété sont importants.
Des psychologues passionnés par le sujet ont introduit les termes plus sympathiques de ZÈBRES (Jeanne Siaud-Facchin) ou de SUREFFICIENTS MENTAUX (Christel Petitcollin). Les américains utilisent aussi le terme d’ INTENSE WORLD SYNDROM.
De nombreux adultes mènent des vies qui ne leur conviennent pas parce qu’ils ne se croient pas assez doués ou chanceux pour réaliser les rêves qu’ils ont dans la tête.
Les surefficients mentaux qui ont pu exprimer leur enthousiasme peuvent devenir des « multi-potentiels » et peuvent avoir plusieurs métiers et activités, ou en changer facilement au cours de leur vie. Bien sûr, ils risquent d’être perçu comme des gens instables ou inconstants par les « normopensants ».
Mais si les surefficients n’ont pas de nouveaux centres d’intérêts, ou de nouvelles découvertes à faire, ils risquent de s’ennuyer et de déprimer.
Dans ces moments-là ils sont fatigués, se jugent et se déprécient.
Ils ont l’impression que « quelque chose ne va pas chez eux ».
Et comme ils se remettent constamment en questions, c’est le moment où ils sont prêts à consulter un thérapeute.
Pour tenter un « retour à la normale ».
Ou peut-être pour découvrir qu’ils sont tout simplement « hors-norme », avec les richesses et les fragilités que cela implique.
Apprendre à se connaître peut apporter un profond soulagement.
Une compréhension apaisante.
Voire la fin d’une quête impossible de la « normalité ».
Pour en savoir plus :
À lire :
« Trop intelligent pour être heureux » Jeanne Siaud-Facchin (Ed. Odile Jacob 2008)
« Je pense trop » Cristel Petitcollin ( Guy Trédaniel Ed. 2010)